Débat contradictoire sur les performances de l'ISR

Publié le par Alexis Carré


L'Edhec enfonce le clou sur l'investissement socialement responsable (ISR). Les fonds spécialisés ne génèrent pas un surplus de performance.

Réponse du berger à la bergère. L'Edhec Risk and Asset Management Research Centre n'a pas aimé les commentaires d'Altedia Investment Consulting sur son étude « Les performances de l'investissement socialement responsable en France », publiée en avril. Le consultant en fait aujourd'hui les frais, dans une nouvelle étude de l'Edhec publiée en guise de réponse circonstanciée et dont « Les Echos » dévoile les conclusions.

Retour sur la polémique. Le différend entre les deux cabinets de recherche remonte au printemps dernier. L'Edhec avait alors évalué la performance des fonds français optant pour l'ISR sur une période de six ans et démontrait que la sélection de titres à caractère ISR n'était pas susceptible en elle-même de générer un surplus de performance, c'est-à-dire l'alpha.

Le même mois, Altedia produisait une étude sur le même thème dont la conclusion était au contraire plutôt positive : les fonds ISR battent souvent leurs indices de référence. Une idée plus répandue dans le marché. Les conclusions auraient pu rester simplement divergentes, mais des commentaires de Benoît Magnier, coprésident d'Altedia, sur le site spécialisé Newsmanagers.com (groupe Agefi) ont déplu aux experts de l'Edhec : « Nous estimons que notre étude, qui porte sur 139 fonds internationaux, est représentative d'une approche plus globale en regard de celle de l'Edhec, sur la zone euro, qui prend en compte 28 fonds distribués en France. »

« Un minimum de méthode »

Le centre de recherche a pris le temps de répondre. Et le message est violent. « Quand on parle de performance par rapport à une référence, il faut respecter un minimum de méthode et disposer de suffisamment de données,conseilleNoël Amenc, directeur de l'Edhec Risk & Asset Management Research Centre. Etudier un échantillon sur moins de trois ans n'est donc pas sérieux. »

Pour faire taire la critique sur la taille étroite de l'échantillon, le bureau d'analyse a intégré à son étude initiale un groupe de fonds investis en actifs internationaux pour amener à 62 fonds accessibles aux investisseurs français existant sur la période de janvier 2002 à décembre 2007. « Peu de fonds obtiennent un alpha significatif, et les rares alphas qui sont significatifs sont négatifs », expliquent les auteurs. Pour répondre au regret de la seule sélection des fonds ayant six ans d'historique, l'Edhec a comparé la performance des fonds suivant leur âge sur la période récente. Il en ressort que les plus jeunes affichent un alpha plus élevé... en moyenne que les anciens. Mais que quelques-uns de ces derniers affichent une meilleure performance. La zone d'investissement influence également les résultats. « La catégorie monde se distingue largement de la catégorie France - zone euro - Europe », observe l'Edhec.

« Du n'importe quoi »

Ce dernier ne s'arrête pas là et s'attarde sur l'étude de son détracteur Altedia. « Quelques réserves peuvent être émises sur la méthode utilisée dans l'étude Altedia pour évaluer la performance des fonds ISR. L'étude ne donne aucune précision sur le choix et la définition de la référence, ni sur la méthode employée pour calculer l'excès de performance. » Dans cette démonstration, Altedia n'est pas la seule visée. « Il nous semble dommage qu'en l'absence d'évidences empiriques permettant de conclure à cette surperformance, les sociétés de gestion et les consultants aient développé une communication autour d'une promesse de surperformance pour l'ISR, sans y mettre les réserves nécessaires », fait remarquer l'étude.

« Si certains cherchent à vendre l'ISR trop vite, ils vont le tuer. C'est absurde. Il y a de très bonnes raisons d'investir dans cet enjeu planétaire de long terme sans qu'on ajoute des motifs de court terme. Ainsi vendre avec de mauvais arguments est une mévente. Le cas d'Altedia est emblématique du n'importe quoi », complète Noël Amenc. Le débat est ouvert.


STEPHANE LE PAGE
11 Décembre 2008
Les Echos

Publié dans performance

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