Les « choix » des épargnants face à la crise

Publié le par Alexis Carré


L'Observatoire Caisse d'Epargne 2009 Les " choix " des épargnants face à la crise

(Paris, le 12 février 2009) - L'Observatoire Caisse d'Epargne, dans sa huitième édition, a choisi d'apporter son éclairage sur les comportements financiers des Français dans un contexte de crise. Comment vivent-ils la crise actuelle et quelles sont leurs stratégies d'adaptation ? Investissement immobilier, endettement et placements financiers, quelles évolutions se profilent pour la période à venir ? L'Observatoire Caisse d'Epargne, dans sa nouvelle formule, est aussi l'occasion de faire partager les prévisions de nos experts pour l'année 2009, à partir des opinions exprimées par les Français et de l'analyse économique de leurs comportements.

- Une crise omniprésente mais en partie mise à distance

L'accumulation quasi quotidienne de mauvaises nouvelles rend la crise chaque jour plus présente. Mais, si les inquiétudes s'accentuent, la crise actuelle ne constitue pas pour les Français une rupture totale par rapport aux évolutions antérieures. Ils ont, certes, accusé un choc ponctuel en septembre/octobre 2008, avec l'éclatement de la crise financière et ses conséquences potentielles sur la sécurité de leurs dépôts. Mais, pour eux, la crise est déjà là... depuis plus d'un an : la confiance des ménages s'est retournée dès l'automne 2007 et n'a cessé de se dégrader en 2008. Les Français se sentaient déjà en partie confrontés à un environnement de crise bien avant le krach financier et sa contamination à l'économie réelle : baisse du pouvoir d'achat, état des finances publiques, " crise " du logement...

D'ailleurs, à l'automne 2007, les Français figuraient parmi les plus pessimistes des Européens sur la situation économique de leur pays : 72 % la jugeaient " plutôt " ou " très mauvaise ", contre 49 % en moyenne au sein de l'Union. En revanche, leurs opinions négatives n'ont progressé " que " de 13 points entre novembre 2007 et novembre 2008, contre 20 points en moyenne européenne, et entre 30 et 63 points pour les Suédois, les Belges, les Espagnols, les Anglais et les Irlandais.

Omniprésente, la crise est également en partie banalisée, comme " une crise de plus ", reflet accentué d'un bouleversement récurrent des repères. Sa surmédiatisation conforte aussi une certaine suspicion sur son ampleur réelle. D'autant que les Français perçoivent les ressorts de la crise de façon floue... tant qu'ils n'en subissent pas ses effets directs. Ils ont cependant du mal à en accepter les causes, chacun sentant qu'il devra en " payer le prix " à des degrés divers. La crise actuelle est d'ailleurs considérée comme une " purge " ou une " punition " nécessaire à la moralisation du système.

- Les effets de la crise : un réajustement des préoccupations et des priorités

Les craintes personnelles des Français vis-à-vis de l'avenir se sont sensiblement renforcées : 71 % se déclarent " inquiets pour l'avenir de leurs enfants/petits-enfants ", 58 % se disent " préoccupés par le niveau futur de leur pension de retraite " et 44 % des actifs " craignent de perdre leur emploi dans les deux ans à venir ", soit des niveaux rarement atteints dans notre baromètre depuis 1997.

Une accentuation des clivages sociaux et un décrochage des classes moyennes Cette montée des inquiétudes souligne un clivage accru entre catégories sociales. Pour les populations aisées, les effets de la crise sont moins tangibles. En revanche, les catégories plus modestes (les ouvriers, notamment) s'estiment davantage en première ligne face aux risques de chômage. Toutefois, entre ces deux cibles, le décrochage des classes moyennes s'accentue nettement : qu'il s'agisse de l'anticipation de sa situation financière future ou des craintes vis-à-vis de l'avenir (enfants, retraite, emploi...), les inquiétudes se sont fortement développées parmi les professions intermédiaires, à la différence des cadres, et elles se situent dorénavant quasiment au même niveau que celles exprimées par les employés et les ouvriers.

Un recentrage sur la solidarité familiale Les incertitudes du contexte ambiant débouchent sur une résurgence des enjeux autour de la solidarité familiale. Les objectifs d' " aider financièrement ses enfants ou ses petits-enfants ", ou d' " assurer une meilleure protection des proches en cas de décès ou d'accident " se sont renforcés dans les préoccupations financières des Français entre 2001 et 2009. Ce recentrage sur " l'entreprise familiale " est plus marqué parmi les 25-45 ans, mais aussi chez les seniors. Ces derniers, réinvestis d'une responsabilité dont ils pensaient être en partie dégagés, s'orientent davantage vers des pratiques d'épargne de précaution ou d'épargne assurantielle à plus long terme, dans une logique de solidarité familiale.

Une crispation autour du patrimoine La constitution ou la détention d'un patrimoine revêtent une importance accrue comme gage de sécurisation face à l'avenir, notamment parmi les catégories jeunes. En janvier 2009, " se constituer un patrimoine " représente une forte préoccupation pour 38 % des 25-34 ans (contre 29 % en 2001) et pour 34 % des 35 44 ans (24 % en 2001). Cette focalisation sur le patrimoine, notamment immobilier, se confirme aussi du côté de la transmission : " donner à ses enfants une éducation, un bagage solide " reste prioritaire dans les choix des Français, mais recule de huit points entre 2001 et 2009 (de 51 % à 43 % des réponses), alors que " donner de quoi leur permettre d'acheter un logement " passe de 26 % à 31 %, tandis que " les aider à constituer un capital financier " se maintient au même niveau (23 %) qu'il y a huit ans.

Une épargne plus défensive et moins active 60 % des Français disent aujourd'hui " faire plus attention à leurs dépenses ", contre 30 % à 40 % au cours des années 2000-2002. Cette vigilance à l'égard de la consommation trouve sa contrepartie dans un repli sur l'épargne, mais avec des tensions croissantes entre le " souhaitable " et le " possible " : en raison d'une impossibilité économique ou pour de ne pas trop sacrifier la qualité de vie, l'écart entre ceux qui déclarent avoir " envie d'épargner davantage " et ceux qui pensent effectivement le faire n'a cessé de se creuser : 4 points de pourcentage en 2000, 8 points en 2002 et 15 points en janvier 2009. La déformation des fonctions assignées à l'épargne souligne les motivations d'arbitrage entre épargne et consommation. Si " être autonome " reste la principale fonction de l'épargne en 2009, " se rassurer face à l'avenir " est dorénavant quasiment autant cité, alors que l'écart était de 10 points en 2001. L'autre motivation montante - " faire face au quotidien " - renvoie au même registre défensif de protection. En revanche, " réaliser des projets ", deuxième motivation d'épargne en 2001, ne figure plus qu'en quatrième position en 2009.

- Les six profils de préoccupations financières des Français

Une typologie des préoccupations financières fait ressortir six profils. Les " Distanciés " (16,5 % de la population) et les " Contraints " (17,5 %) s'inquiètent fortement de l'avenir ; disposant de revenus réduits, ils privilégient une épargne sûre et disponible offrant un bouclier protecteur. Les " Prudents " (20,4 %) et les " Vigilants " (13,5 %), davantage représentatifs de classes moyennes, oscillent entre préservation d'une qualité de vie (les " Prudents ") et sécurisation de l'avenir (les " Vigilants "), via des placements diversifiés mais peu risqués. Enfin, plus aisés, les " Audacieux " (17,8 %) et les " Confiants " (14,3 %) se sentent peu remis en cause dans leur sécurité financière ; plus opportunistes, pour les premiers, ou tempérés dans leurs arbitrages, pour les seconds, ils sont centrés sur la constitution ou la valorisation de leur patrimoine, au prix d'une dose de risque pour leurs placements.

- Endettement et immobilier : un repli durable mais en " bon ordre "

Le renversement des anticipations Comme cela avait été développé dans le cadre du précédent Observatoire Caisse d'Epargne , la montée des prix de l'immobilier sur la dernière décennie était exceptionnelle et son ampleur était de nature à interrompre la phase haussière du cycle au moindre retournement des anticipations. L'écart croissant entre le type de bien économiquement raisonnable pour les candidats à la propriété et le type de logement raisonnablement souhaitable n'était pas extrapolable. Quant à la baisse des taux, elle ne pouvait aller au-delà de celle de 2005, où s'étaient cumulés une faible inflation, une abondante liquidité mondiale, des primes de risque très faibles et des taux très bas dans la zone euro. Au-delà d'une sélectivité accrue dans l'offre de crédit, les phénomènes qui, hier, conduisaient à des acquisitions de logement dans l'urgence à la limite de concessions supportables par les ménages (peur d'une désolvabilisation future par la montée des prix, anticipations socialement partagées...), produisent aujourd'hui l'attentisme et la vigilance dans l'acte d'achat. En 2009, une poursuite du cycle baissier, mais tempérée par la pertinence du choix de l'accession Doit-on pour autant anticiper une baisse brutale et généralisée des prix immobiliers, consécutive à un effondrement des transactions ? Nos prévisions immobilières laissent à penser que la baisse à venir devrait être d'une ampleur moindre que la hausse des années passées. En effet, les Français ne croient pas au krach immobilier. Il envisagent certes majoritairement une baisse des prix (61 % en janvier 2009, contre 16 % en mai 2006), mais ils ne sont que 12 % à imaginer un repli important. Ils semblent avoir perçu positivement les évolutions récentes, puisque leur appréciation sur le caractère attractif du niveau des prix se redresse nettement, même si la majorité d'entre eux ne les jugent pas encore " intéressants ". Concernant les conditions de prêts, leur perception très dégradée de septembre dernier n'a guère été remise en cause en janvier 2009. Au total, 31 % des Français jugent que " le moment est favorable pour acheter ", et 47 % considèrent " qu'il est préférable d'attendre ". Cette appréciation attentiste sur la conjoncture tient aussi à l'image brouillée que renvoient à la fois la dimension financière de la crise, avec ses conséquences qu'elle pourrait avoir sur le marché immobilier, et sa dimension économique, avec ses effets sur l'emploi et la montée d'un sentiment d'exposition personnelle au risque de chômage.

Pour autant, l'image de l'immobilier comme placement ne semble pas ternie et la volonté d'accession des Français n'est pas remise en cause, notamment chez les jeunes. Ainsi, les intentions " certaines " d'achat d'une résidence principale à un horizon de cinq ans se maintiennent à environ 10 % des personnes interrogées, et les intentions d'achat d'un bien locatif se situent, en septembre 2008, et à nouveau en janvier 2009, au plus haut depuis 1997. En outre, la permanence de la préoccupation retraite et le rôle de premier plan assigné à l'immobilier dans sa préparation renforcent encore sa légitimité comme pierre angulaire du parcours patrimonial. Ces différents aspects devraient contribuer à modérer l'impact du cycle sur l'activité.

La phase baissière du cycle immobilier qui est engagée devrait être marquée par une baisse des prix de l'ordre de 10 % en 2009 dans l'ancien. La baisse des transactions devrait se prolonger en 2009, sous l'effet d'un nouveau recul des ventes dans l'ancien et de la construction dans le neuf, mais à un rythme moindre qu'en 2008 : les mises en chantier devraient revenir à 310 000 unités en 2009, contre 369 000 en 2008, mais après 437 000 en 2007 ; le total des transactions (neuf + ancien) devrait accuser un recul de 10,5 % au cours de l'année, après une chute de 14,6 % en 2008. Enfin, les crédits versés aux ménages devraient passer de 116 milliards d'euros en 2008 (contre 146 milliards en 2007) à 90 milliards en 2009.

- Placements financiers : le retour du long terme ?

Après une radicalisation des arbitrages en 2008... De 2003 à 2007, à la faveur du krach boursier, d'une rémunération jugée médiocre sur les produits réglementés et des sorties massives de l'épargne logement consécutives au changement de réglementation sur ce produit, les placements d'assurance vie ont capté environ les deux tiers des flux de placements financiers. Par ailleurs, le développement de l'offre de livrets rémunérés très au-delà des taux réglementés s'est traduit par la forte montée du livret bancaire (15 % des flux de placements financiers). En 2008, les arbitrages des ménages se sont radicalisés. L'apparition de la crise financière a renvoyé les valeurs mobilières à des souscription nettes négatives. La montée des taux d'intérêt à court terme a conduit à un " aplatissement " de la courbe des taux, le placement à dix ans n'étant guère mieux rémunéré qu'un placement à trois mois. Le Livret A et le livret de développement durable, d'une part, les livrets bancaires et les comptes à terme, d'autre part, ont largement bénéficié à la fois d'une quête effrénée de sécurité et de disponibilité, de la hausse des taux courts et de l'absence de revalorisation de la rémunération du PEL. Ce sont principalement les livrets qui ont tiré parti de cet environnement exceptionnel, et non l'assurance vie, comme durant la période 2005-2007. La double perte des reports des PEL et de la concurrence des produits de court terme a ramené les flux d'assurance vie en 2008 à un niveau à peine supérieur à celui de 2003.

.... Quels placements financiers en 2009 ? L'atonie de la consommation devrait conduire à une hausse du taux d'épargne en 2009, celui-ci passant de 15,7 % en 2008 à 16,3 %. En revanche, sous l'effet d'une très faible croissance du pouvoir d'achat et de la baisse des crédits nouveaux, les placements financiers des ménages devraient à nouveau refluer en 2009 (109,1 milliards d'euros en 2007, 97 milliards en 2008, 86,7 milliards en 2009). En effet, les périodes d'expansion du crédit favorisent traditionnellement les placements financiers, l'endettement permettant de limiter la liquidation d'actifs pour acheter un bien durable ou constituer un apport personnel en cas d'achat d'un logement. Ainsi, paradoxalement, la montée d'une attitude favorable à l'épargne de précaution dans les périodes de désendettement se traduit plutôt par la contraction des flux de placements que par une plus forte accumulation financière.

La ventilation entre les différents types de placements devrait, quant à elle, être dictée par la déformation des conditions économiques qui ont prévalu en 2008 et qui semblent fondamentalement remises en cause pour 2009. D'une part, les taux d'intérêt à court terme devraient rapidement être ramenés à 1,5 % par la Banque centrale européenne, modifiant radicalement l'attractivité des produits de court terme, avec des effets important sur les taux réglementés, d'autant que l'inflation pourrait être proche de zéro à la mi-année. D'autre part, les arbitrages qui se sont opérés au profit des placements de court terme en 2008 étaient purement tactiques, dans une configuration exceptionnelle des rendements. Pour autant, les besoins stratégiques des ménages nécessitant de se projeter à plus long terme (études, retraite, grand âge...) perdurent et se renforcent.

L'essentiel de la baisse des taux devrait affecter les livrets, dont la collecte pourrait passer de 49,8 milliards d'euros en 2008 à 7,1 milliards en 2009. Cette baisse des taux repositionnerait par défaut l'épargne logement, dont les retraits seraient presque divisés par deux. L'assurance vie, davantage en phase avec des préoccupations de long terme, retrouverait des niveaux de collecte plus élevés, mais sans revenir pour autant à ceux des années 2006 et 2007. En effet, la baisse des sorties sur l'épargne logement et un début de dégradation de l'image du produit, avec une certaine confusion entre sa dimension de sécurité (portée par les contrats en euros) et sa dimension de rendement et de risque (portée par les contrats en unités de compte), limiteraient le retour sur l'assurance vie. Enfin, les valeurs mobilières, quant à elles, devraient encore subir une légère décollecte, en partie compensée par un certain retour de l'appétence pour l'obligataire durant cette période de spreads élevés.


12 Février 2009
Hugin Southern Europe Press Release

Publié dans marché

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L
un bon article !
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I
<br /> Aujourdhui , la crise de confiance est un point consiérable que les pouvoirs publiques tentent d'enrayer. Le facteur psychologique est l'un des détonateurs essentiels au rebond.<br /> <br /> <br />
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