« Concilier Bourse et éthique, c'est la condition même d'une croissance économique durable. »

Publié le par Alexis Carré



Jean-François Descaves, 39 ans, dirige la société de gestion Financière de Champlain, qu'il a créée en 2000. Cette société gère huit fonds, qui totalisent près de 400 millions d'euros d'encours.

Diplômé de l'Ecole supérieure des dirigeants d'entreprises (1990), il a travaillé durant dix ans comme responsable de la gestion privée dans le milieu bancaire (Citibank, Cial, Ferri, ING).

En tête des classements des fonds actions européennes, Performance Environnement a reçu en 2008 la Palme des sicav de La Vie Financière pour sa gestion sur trois ans.

Mon engagement dans l'investissement socialement responsable fait suite à diverses expériences dans le milieu bancaire. D'abord chez Citibank, en France, à partir de 1991, où j'ai été effaré de voir à quel point le salarié n'était qu'une variable d'ajustement, la priorité absolue étant les profits à court terme de la banque et son image. Six ans plus tard, j'ai intégré la banque Cial, filiale du CIC. Plus familiale, cette société était également plus attentive au bien-être de ses salariés. Mais son rachat par le groupe CIC - Crédit mutuel n'a pas été un moteur sur le plan de la gouvernance d'entreprise... Après y avoir passé trois années riches en événements, j'ai quitté cette entreprise pour la société Ferri, en 2001. A la suite du rachat de Ferri par ING, la gestion s'est rapidement « industrialisée ». Responsable de la gestion privée dans la région sud de la France, il me fallait vendre le même portefeuille à des clients situés à Bordeaux ou à Chicago ! En désaccord avec cette stratégie, je suis parti.

J'ai alors créé la Financière de Champlain, projet d'entreprise fondé dès le départ sur l'éthique. Ethique qui nous inspire autant une philosophie qu'un mode d'investissement. Je dois cette orientation à ma culture familiale, d'abord, mes proches ayant toujours été sensibles aux défis environnementaux et sociaux. Moi-même, je fais en sorte que mon empreinte environnementale soit le plus faible possible. Ma voiture de fonction : une Prius (véhicule hybride fonctionnant avec deux types d'énergie) ; ma phobie : le gaspillage. Quant à nos salariés, ils sont quasiment tous actionnaires de la société. Et, ce qui est fondamental, nous partageons les mêmes valeurs, à savoir investir dans ce qui a un sens pour l'avenir de nos sociétés. Cela nous conduit à privilégier les secteurs acycliques (eau, énergie, déchets, santé...) et le long terme.

L'éthique va devenir une nouvelle source d'avantages concurrentiels. De ce point de vue, les fonds ISR et les agences de notation ont un rôle primordial à jouer : inciter les entreprises à réconcilier l'humain, l'environnement et le financier, en mettant en place un cercle vertueux. Il est d'ailleurs aussi important de pointer les sociétés qui vont dans le bon sens que celles qui empruntent la mauvaise voie comme Monsanto, spécialiste des OGM, qui s'enrichit au détriment des populations locales, ce qui n'a aucun sens à moyen terme, même si cela peut apporter des solutions à court terme. Cependant, bien qu'elle se soit beaucoup développée ces dernières années, la notation ne va pas encore assez loin. Par exemple, je regrette qu'elle ne sanctionne pas les entreprises qui mettent en place des plans sociaux. Pour moi, un plan social, quel qu'il soit, est un élément négatif. Notre gestion privilégie d'ailleurs ces aspects en plaçant l'environnement et la dimension sociale avant la gouvernance d'entreprise. Aussi, il existe souvent un fossé entre le discours et la réalité. D'où la nécessité de vérifier la cohérence des informations, sur le terrain, auprès d'interlocuteurs variés.

Enfin, concilier Bourse et éthique ne relève pas de l'utopie. C'est la condition même d'une croissance économique durable, parce qu'elle aura su anticiper sur les enjeux de demain (environnementaux, démographiques, géopolitiques...). L'émergence de nouveaux indicateurs de comptabilité nationale tels que « l'indice de développement humain » soutient d'ailleurs cette philosophie. A quand le « bien-être national brut » ?

Propos recueillis par Anne Michel
4 Avril 2008
La Vie Financière

Publié dans société de gestion

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