La délicate construction des fonds monétaires ISR

Publié le par Alexis Carré


Une quinzaine de fonds existe sur le marché. Les gérants privilégient les émissions d'entreprise.

La décision de l’Erafp (Etablissement de retraite additionnelle de la Fonction publique) d’opter pour des placements 100 % investissement socialement responsable (ISR) a relancé le débat autour des fonds monétaires ISR. « Nous avons deux types de clients, remarque Philippe-Henri Burlisson, responsable de la gestion taux chez Groupama AM. Les uns veulent une rémunération équivalente, ISR ou non, ce qui est difficile à obtenir. Les autres entrent dans une démarche ‘sociétale’ et acceptent de mettre le rendement financier au second plan. » Le développement des fonds monétaires ISR est principalement le fait d’institutionnels.Besoins de financementCaractérisés par une approche court terme, les fonds monétaires peuvent néanmoins intégrer les critères d’analyse ISR, généralement appliqués à des investissements long terme. L’investisseur peut ainsi participer au développement d’entreprises responsables. « L’approche ISR long terme est souvent constituée d’une succession d’actions court terme, notamment en besoins de financement, explique Alain Richier, directeur de la gestion monétaire chez Natixis AM. Il est indispensable d’alimenter en liquidités à court terme les entreprises les plus responsables pour leur permettre de se développer sur le long terme. » De fait, les fonds monétaires ISR comportent essentiellement des papiers émis par des entreprises et non par des Etats. Pour les sociétés de gestion, c’est à la fois un impératif économique et une contrainte pratique. Impératif économique car un fonds monétaire, pour maintenir des frais de gestion raisonnables, ne peut se permettre d’intégrer un filtre ISR que si celui-ci a déjà été développé pour des produits actions. Contrainte pratique, car la notation des Etats implique un travail particulier. « La problématique est complexe, souligne Eric Borremans, responsable de l’investissement responsable et durable de BNP Paribas AM. Il y a de nombreux paramètres à prendre en compte (environnement, santé publique, éducation…), les données proviennent de source multiples (Banque Mondiale, Transparency International…) et sont souvent publiées avec plusieurs mois de décalage. Au sein de la zone euro, pour distinguer les Etats les uns par rapport aux autres, il faudrait une analyse extrêmement fine. Enfin, les critères standards utilisés par les agences de notation ne sont pas toujours adaptés à la situation de chaque pays. » Une autre solution peut consister à neutraliser l’impact des émissions souveraines dans le portefeuille. « Dans la notation globale de notre fonds monétaire ISR, indique Bertrand Fournier, président du directoire de Sarasin Expertise AM, nous octroyons une note médiane aux émissions d’Etat. Dans la mesure où notre fonds est limité à la zone euro, noter chaque Etat par comparaison aux autres n’aurait qu’une signification limitée. » S’agissant des entreprises, la notation ISR est aujourd’hui bien au point. Mais elle ne suffit pas. « Les émetteurs entreprises sont certes pour la plupart notés en fonction de notre filtre ISR interne, explique Alain Richier. Mais ils doivent également satisfaire aux contraintes globales d’éligibilité à nos OPCVM monétaires. Cette double approche est d’ailleurs réductrice du risque. »Une spécificité forteLimitée à trois produits il y a un an, l’offre monétaire ISR s’est étoffée pour atteindre une quinzaine de fonds, ce qui est peu pour une catégorie qui en comporte 400. Les mois qui viennent devraient voir quelques lancements. « Doter un fonds monétaire d’un filtre ISR a l’avantage de lui donner une spécificité forte, note Nathalie Monnoyeur, directeur du marketing d’Ideam, et permet au souscripteur de s’engager à peu de risques. » D’où peut-être le fait que la démarche est parfois vue comme trop marketing. « Dans l’appréciation des offres qui leur sont faites, les clients examinent avec autant d’attention la nature du produit que la démarche de la société de gestion, note Samuel Raoul, consultant chez Bfinance. Les investisseurs institutionnels privilégient volontiers les sociétés de gestion les plus responsables par rapport aux autres, indépendamment de l’aspect ISR des produits. » Alors que l’ISR monétaire en est encore à un stade d’expérimentation, un cercle vertueux émetteur- gérant- investisseur semble déjà se mettre en place.


Isabelle R. Doumic
17 Avril 2008
L'AGEFI Hebdo

Publié dans société de gestion

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