Les géants de l'alimentaire sous surveillance

Publié le par Alexis Carré


INVESTISSEMENT RESPONSABLE. Leur lutte contre l'obésité fait l'objet de plusieurs évaluations.

Le 25 mars s'est tenue à Paris la dernière réunion d'un groupe d'experts constitué par le Ministère de la santé afin d'élaborer des propositions limitant la publicité télévisée pour certains types d'aliments destinés aux jeunes.

La question du surpoids n'affecte pas que les pays développés, dans la mesure où l'enrichissement des classes moyennes dans les pays émergents a entraîné une forte modification des comportements alimentaires. Depuis 2003, les Etats du Nord comme du Sud (Chine, Singapour, Brésil) multiplient les réglementations contraignant les industriels à mieux informer les consommateurs sur la composition des aliments, à limiter la publicité sur certaines catégories de produits, voire à interdire certains composants.

Les géants du secteur sont amenés à prendre les devants face à une diminution croissante de leurs marges de manœuvre. Ils ont d'abord joué la carte des produits «allégés». Selon une étude de Goldman Sachs de février 2007, les deux tiers des nouveaux produits lancés entre 2002 et 2005 par Kellogs, plus de 40% de ceux de Danone et de Coca-Cola, près de 30% de ceux de Nestlé, Unilever et Kraft, présentaient de telles «allégations santé».

Les industriels s'efforcent aujourd'hui de généraliser ce positionnement à l'ensemble de leurs produits. Quitte à se débarrasser des plus pénalisants, comme la biscuiterie pour Danone, ou à réduire le recours à certains ingrédients: Nestlé a fixé pour objectif une réduction de 25% du sel contenu dans l'ensemble de ses produits d'ici à 2010, et de 16% du sucre d'ici à 2012.

Les données de ce volet des indicateurs Le Monde/Eurosif, recueillies également par Ernst & Young pour La Stampa, El Pais, Die Zeit Online et Le Temps, montrent que cette mutation est beaucoup plus avancée dans les grandes entreprises européennes que chez leurs concurrentes américaines. Cependant, note Eric Mugnier, consultant au département développement durable d'Ernst & Young, il manque encore «une information précise sur la nature et le volume des composants entrant dans le processus de fabrication de la totalité des produits, qui faciliterait la comparaison et permettrait de mesurer les efforts réels de réduction des composants dangereux».

Pondération des produits

C'est d'ailleurs l'approche suivie par certains investisseurs. Afin de mesurer l'exposition des différents acteurs du marché au «risque d'obésité» - plafonnement des ventes dû à la réglementation, accroissement des dépenses de recherche et développement, risque de réputation - les analystes financiers d'Oddo Securities mesurent le poids de certaines gammes de produits (glaces, mayonnaise, confiserie) dans le chiffre d'affaires et la marge opérationnelle de chaque société (car ce sont justement ces produits qui génèrent le plus de marge...).

«Même si l'on n'examine pas les étiquettes produit par produit, cela donne une bonne estimation du risque, estime Jean-Philippe Desmartin, responsable de la recherche «investissement socialement responsable» chez Oddo. D'autant que les additifs alimentaires censés alléger la teneur en sucre, sel et corps gras présentent autant d'incertitudes quant à leurs effets sur la santé humaine.»




Antoine Reverchon, Le Monde
19 Avril 2008
Le Temps

Publié dans tendance

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