Transparence et gouvernance : deux grands défis

Publié le par Alexis Carré



Le degré de transparence et la structure de gouvernance varient grandement chez les fonds souverains, parfois même au sein d'un pays. Leurs décisions d'investissement ne sont pas toujours immunisées contre les interférences politiques, notamment lors des nominations aux postes clefs.

Ils investissent au nom du peuple. Ils doivent donc lui rendre des comptes. « Un haut degré de transparence est essentiel pour un fonds souverain afin de bâtir un soutien fort à son action. C'est essentiel pour emporter l'adhésion du grand public », confirme Kristin Halvorsen, ministre des Finances norvégienne. Effectivement, le fonds public norvégien est d'une transparence très poussée, guère représentative des autres fonds souverains dont certains sont d'une opacité totale, à l'exemple du fonds chinois CIC (lire l'encadré ci-dessous) et, surtout, du plus important d'entre eux, le Abu Dhabi Investment Authority (Adia), d'ailleurs bon dernier du classement établi par le Peterson Institute (voir tableau ci-contre). Son site boursier, très succinct, ne donne même pas de chiffres sur ses actifs gérés. Il se contente de souligner que les décisions d'Adia sont « uniquement fondées sur l'objectif de délivrer des rendements significatifs et à long terme », sans chercher à s'impliquer dans la gestion quotidienne des sociétés dans lesquelles il investit.

Délicat en effet pour un fonds souverain de se manifester haut et fort en assemblée générale au risque d'être taxé d'agent en sous-main de son gouvernement. Et dans la pratique, loin d'être des investisseurs activistes, ils font d'ailleurs plutôt profil bas (lire ci-dessous).

Recherche d'un consensus

Généralement, les pays s'efforcent d'installer leur fonds souverain à une certaine distance du pouvoir politique, mais pas trop loin tout de même afin de garder un oeil sur eux... Si ces fonds sont rarement totalement intégrés au gouvernement, ce dernier veille sur eux et intervient si besoin est. D'ailleurs, dans la plupart des cas, c'est lui qui décide des nominations aux postes clefs, tel le poste de directeur des investissements. Aucun fonds souverain n'a jusqu'à présent été totalement privatisé. Dans certains fonds du Proche-Orient, le pouvoir n'appartient pas toujours aux équipes de sélection de gérants externes. C'est une deuxième couche hiérarchique, aux voies assez impénétrables, qui prend in fine les décisions. Un document d'analyse du Trésor français(1) pointe d'ailleurs qu'il « est souvent difficile de savoir au bilan de quelle institution (fonds souverain ou banque centrale) sont enregistrés les avoirs de réserve provenant de l'exportation de matières premières. Cette confusion est de nature à faciliter de brusques changements des structures de gouvernance ou des stratégies d'investissement en réaction à des pertes ».

Le niveau de transparence varie même au sein d'un pays. A Singapour, le fonds Temasek, qui possède des filiales cotées en Bourse, publie un rapport annuel, alors que le Singapour GIC est beaucoup plus discret sur ses activités et ses intentions. « En théorie, lorsqu'un Etat confie la gestion de ses actifs à une entité autonome, ce mode d'organisation introduit plus de transparence dans l'utilisation des ressources publiques », souligne l'étude du Trésor. C'est ce qu'on a effectivement constaté, par exemple, avec la création du fonds canadien, aujourd'hui parmi les plus transparents. Des fonds tentent de s'émanciper un peu en se constituant selon des lois organiques propres. C'est le cas des fonds coréen ou koweïtien.

Aujourd'hui, un des grands défis pour les fonds souverains est « d'organiser la structure de leur gouvernance de telle sorte que les équipes qui les gèrent soient en mesure de le faire au regard d'objectifs financiers précis, dans le cadre d'un consensus politique national et d'une très bonne transparence », souligne Thierry Brevet. Cette recherche d'un large consensus autour de sa politique d'investissement peut expliquer l'orientation vers un type de gestion comme l'investissement socialement responsable, qui recueille généralement un assentiment fort au sein de la population. Davantage redevables de leurs investissements devant celle-ci, les fonds souverains devront alors faire preuve de plus de transparence pour expliquer leurs choix et leurs décisions. La pression des pays d'accueil de leurs investissements va aussi les y inciter, avec la multiplication des codes de bonne conduite adressés à ces investisseurs atypiques.



NESSIM AIT-KACIMI
16 Juin 2008
Les Echos

Publié dans tendance

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