Les paradoxes de l'ISR

Publié le par Alexis Carré




La moralisation des marchés consécutive à la crise financière justifie l'intérêt d'investisseurs en quête de transparence vis-à-vis de l'ISR. Avec le risque de le dénaturer ?

Avec 22,1 milliards d'euros en 2007 contre 17 milliards en 2006, le total des encours d'investissement socialement responsable (ISR) détenus en France a progressé de 30 % en un an. La cinquième édition de l'enquête annuelle réalisée par Novethic confirme donc l'intérêt des investisseurs pour les produits estampillés ISR, même s'il est inégalement partagé : les encours détenus par les institutionnels ont progressé de 66 %, à 14,7 milliards, contre 19 % par les particuliers (7,4 milliards), une croissance jugée « significative, compte tenu de la très faible visibilité de l'ISR auprès du grand public ». Mais ces chiffres ne reflèteraient que partiellement la réalité de la percée des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans la gestion d'actifs. « Nous avons recensé 66 milliards d'euros d'encours ne relevant pas de l'ISR, mais qui intègrent certains critères ESG », relève Jean-Pierre Sicard, président de Novethic. Une « moralisation » initiée avec le lancement des Principes pour l'investissement responsable (PRI) de l'ONU, et accentuée par la crise financière, qui a pointé l'opacité de certains produits financiers. En résumé, l'ISR ou sa version superficielle - l'intégration de quelques critères ESG - qui implique une transparence et une traçabilité des fonds, inspirerait confiance aux investisseurs. En outre, les actifs analysés ont mieux résisté à la crise, note Jean-Pierre Sicard.

Il n'est donc pas étonnant de constater une extension des produits ISR. On note, par exemple, une bonne progression de l'épargne salariale (voir plus bas). En revanche, appliquer ce mode de sélection à des placements en produits monétaires, et donc de court terme, peut sembler antinomique avec la logique de moyen et long terme consubstantielle au financement du développement durable. Mieux, le gérant de fonds spéculatifs Harcourt, basé en Suisse, a signé les PRI, et affirme « s'engager dans une logique de conversion à l'ISR, ce qui reste à démontrer », explique Anne-Catherine Husson-Traoré, responsable de la rédaction de Novethic. Elle y voit surtout un signe de l'évolution du marché, en quête de produits diversifiés et responsables, mais qui finiront par buter sur l'obstacle de la crédibilité.

J.-P. B.
14 Mai 2008
Environnement & Stratégie

Publié dans marché

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