Gestion ISR : le grand retour du long terme

Publié le par Alexis Carré


Avec la préoccupation croissante pour l'état de la planète et l'accès aux ressources essentielles, les fonds favorisant le développement durable sont de plus en plus une évidence.

Après des débuts très lents, cette nouvelle façon de gérer se développe : de 6,9 milliards d'euros en 2004, l'encours des fonds ISR (investissement socialement responsable) est passé à 22,1 milliards d'euros à fin 2007.

Depuis leur apparition, leurs promoteurs portent un soin particulier à se distinguer de toute intention philanthropique : l'objectif est bien d'obtenir une rentabilité supérieure à la moyenne, grâce aux choix d'entreprises qui éviteront les effets dommageables de grands procès, de grèves ou d'une mauvaise image de marque. Plus récemment, la pratique exclut en outre les secteurs voués à disparaître, comme l'industrie pétrolière, pour se concentrer sur des secteurs appelés à se développer, comme le traitement des déchets ou les énergies propres.

Si l'intention est bonne, la promesse d'une rentabilité supérieure, elle, est discutable. L'idée qu'un comportement " citoyen " soit plus rentable à long terme n'est pas prouvée : dans de nombreux cas, une pratique douteuse peut se montrer très rentable malgré les coûts associés. Par exemple, l'industrie du tabac aux États-Unis a accumulé des profits énormes en trois décennies, qui ne sont pas comparables aux sommes versées dans les procès perdus... Le travail des enfants dans les usines des pays pauvres, qui a coûté cher à Nike en termes d'image, ne lui a pas valu une réelle baisse des ventes.

PHASE DE MATURITE

Les fonds ISR sont désormais entrés dans une phase de maturité, avec une offre diversifiée. On peut les diviser en deux catégories. Au sein des fonds généralistes, les critères ISR sont au nombre de cinq : respect de l'environnement, politique sociale et gestion des ressources humaines, gouvernance d'entreprise, qualité des relations avec les clients et les fournisseurs, et engagement sociétal de l'entreprise. Concrètement, le gérant s'occupe uniquement de la sélection financière, et ses choix sont ensuite soumis à un filtre ISR : les entreprises sont notées selon ces critères et celles qui reçoivent une note insuffisante sont rejetées. Selon l'objectif du fonds, un critère ou un autre peut l'emporter.

Certains fonds excluent des secteurs, comme les OGM. De la même façon, les biocarburants, salués comme une énergie propre lors de leur apparition, sont désormais bannis, pour leur rôle dans la hausse des prix alimentaires mondiaux. D'autres fonds, en plus du filtre ISR, réservent une petite partie de leur portefeuille à un besoin particulier : Insertion Emploi (Natixis AM) investit 5 % à 10 % de son actif dans des entreprises non cotées impliquées dans la réinsertion professionnelle.

Les fonds thématiques constituent un deuxième groupe. Ces fonds sont investis sur un seul secteur, considéré comme fondamental pour l'avenir : l'eau, la réduction des inégalités Nord-Sud... La plupart incluent seulement les entreprises réalisant au moins 30 % de leur chiffre d'affaires dans leur thème d'élection, mais d'autres se contentent de 20 %... ou s'engagent simplement à développer la part de leur chiffre d'affaires réalisée dans ce domaine (comme Natixis H2O). Ces fonds permettent d'investir dans des activités en croissance, tout en finançant les entreprises qui développent les technologies nécessaires pour faire face aux défis environnementaux. Mais le faible nombre d'entreprises dans certains secteurs, et leur petite taille, peuvent entraîner des prix élevés, par excès de liquidités.

REEL BESOIN

Généralistes ou sectoriels, tous les fonds développement durable ont une caractéristique en commun : le retour du long terme. Il ne s'agit plus de gérer un portefeuille en prêtant attention aux résultats trimestriels ou aux perspectives d'OPA, mais de connaître une entreprise en profondeur, sans se limiter aux critères financiers, pour miser sur son développement à long terme : raison pour laquelle ces fonds séduisent les caisses de retraite et les compagnies d'assurances. Il est indéniable que ces fonds correspondent à un réel besoin et à une demande des particuliers. Il est sain d'exiger qu'une entreprise se comporte de façon à ne pas nuire à l'ensemble de la société ; mais il n'est nullement prouvé que cela la rende plus rentable que les autres, même à long terme. Ainsi, il paraît abusif d'affirmer que ces fonds devraient surperformer leur univers d'investissement. Reste à voir si cela est réellement le plus important aux yeux des investisseurs...





DELPHINE BÉRENGER
27 Juin 2008
La Tribune

Publié dans tendance

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